Maurice Vaisière, musicologue...
Quand j’ai
rencontré Maurice Vaisière en 1984-85, il était sous le choc de la mort récente
de son frère avec qui il vivait. Et, pour se distraire il écrivait des paroles
de chansons françaises et wallonnes. Il en profita pour me signaler la
difficulté des auteurs patoisants à trouver un(e) interprète vedette pour
lancer leurs chansons, un remplaçant de Bob Dechamps en quelque sorte. Il me
confia encore qu'il n'appréciait pas la chanson française moderne. Sauf, la
chanteuse Claude Maurane pour laquelle il était en train d'écrire une chanson
pour s'amuser.
Mais,
entrons maintenant dans le vif du sujet :
Maurice Vaisière est né à Trazegnies le 14 décembre 1918 et est décédé dans l'Entité de Mettet en 1990.
Son père était clerc organiste et faisait commerce de disques et de pianos à Gilly.
Sa maman était institutrice, profession qu'elle exercera uniquement avant son
mariage. Un frère expert-comptable aux contributions et une sœur musicienne.
Maurice
avait 4 ans quand sa famille alla s’installer à Gilly où il fit ses études
primaires. Mais, c’est au Collège de Bonne-Espérance qu’il fera ses humanités.
Issu
d'une famille de musiciens, il s’adonne très tôt de la musique comme hobby mais avec passion. Plus tard, il fera des
études complètes d'harmonie et de contrepoint.
Après une
candidature en philologie classique aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur,
Maurice réussit sa licence en 1940 à l'Université de Louvain. Sans emploi, il
poursuivra l'année suivante un doctorat. Il est le premier docteur dans sa
branche selon le nouveau système instauré à l'époque.
Maurice entre
dans la vie active en 1942. Il travaillera successivement comme enseignant ou
surveillant à l'A.R. de Charleroi (pendant 3 ans), à Mouscron (pendant 3 ans),
aux Athénées de Namur, Wavre, Mons et Beaumont (pendant 6 ans) pour finalement
enseigner à l'A.R. de Gilly de 1952 à 1971.
Membre de
l'Association littéraire wallonne de Charleroi à partir de 1942, il en
deviendra vice-président (1948-1949). Envoyé à Mouscron, il perdra
momentanément le contact avec les auteurs wallons et commencera à écrire en
français.
Maurice
Vaisière participa aux activités de l’ « Aspoye », mouvement
fondé pendant la guerre par le futur sénateur Maurice Bologne et qui
rassemblait des artistes, des écrivains...
Dès 1942,
Roger Pinon, licencié en philologie germanique, non musicien passionné de
folklore, demande son aide pour la transcription de chansons. Ils enquêteront
sur le tirage au sort, les chansons de garde civique. Ils recueilleront plus de
450 chansons de Mouscron et de Flandre wallonne en patois et en français, qui
seront publiées quelque 20 ans plus tard par la Commission de folklore. Cette
collecte s'effectuera également notamment dans le Pays de Charleroi et à Noirville,
où Vaisière possèdait une maison de campagne et totalisera quelques 25.000
chansons, dont la publication se fit selon le budget de la Commission de
Folklore. Pour les chansons-danses, Vaisière s'efforça de retrouver, en plus
des paroles et de la musique, la chorégraphie.
Dans sa
préface de la publication « Chansons populaires de la Flandre
wallonne », Roger Pinon écrira au sujet de Maurice Vaisière :
« En 1925, M. G. Fraichefond,
de Pecq, en Hainaut, communiquait deux chansons des allumoires au Musée de la
Vie Wallonne. Mais c'est M. Léon Maes, qui enquêtait depuis longtemps sur le
folklore de Mouscron, quand son attention fut plus spécialement attirée par la
chanson, de jeu notamment, sous l'impulsion d'un jeune chercheur carolorégien,
M. Maurice Vaisière, qui fut le premier véritable découvreur du folklore musical
de Mouscron. Quant à Maurice Vaisière, professeur intérimaire à l'athénée royal
de Mouscron, il utilisa ses loisirs et son savoir-faire à noter, ainsi que je
le lui avais demandé, les chansons d'enfants et de jeux qu'il avait l'occasion
d'entendre. Sa collection, commencée en avril 1943, ne se termina qu'avec son
départ à la fin de 1944. Jamais loisirs forcés, loin du foyer et du Pays Noir
qu'il célébrait en français et en dialecte, ne furent mieux mis à profit pour
la musique et le folklore de la Wallonnie…"
La collection que j'ai le
plaisir de publier est importante à la fois par le nombre de documents qu'elle
apporte, par la valeur des notations et par l'intérêt de très nombreuses
pièces.
Quantitativement, les tables l'attestent, c'est une collection de 420 chansons, cris et formulettes qui vient s'ajouter au patrimoine déjà publié. Ce répertoire, avec ses variantes, s'élève à 705 documents et 448 notations musicales, et si l'on ajoute 14 types de formulettes ou chansons qui se sont amalgamés à d'autres, c'est 434 types qui sont représentés ici.
Qualitativement, on voudra bien remarquer que le notateur principal, M. Vaisière, a eu soin de noter, chaque fois qu'il l'a pu, les trois aspects essentiels d'une chanson ou d'une formulette : la mélodie, les paroles et la « fonction ». Il est rare qu'un travail aussi consciencieux soit mené par un seul chercheur. La méthode d'enquête fut des plus louables.
En général, l'enquêteur
demandait aux enfants, avec l'aide d'un questionnaire dans la seconde phase de
son travail, de bien vouloir noter sur fiche les chansons qu'ils connaissaient.
Il s'informait ensuite de la fonction, puis, sur des feuilles de cahier lignées
en rouge, il notait la mélodie qu'il entendait au fil des loisirs communs de
lui-même et de ses élèves, filles et garçons, pendant les récréations et les
études du temps de midi. Soigneusement il inscrivait la date de l'enquête, le
nom du témoin, la fonction du chant.
Son enthousiasme débordant se communiqua aux parents de certains élèves, à des collègues et à diverses personnes qu'intéressait ce retour aux vieilles traditions. Et un jour, ce fut la rencontre avec Léon Maes. Rencontre qui ne pouvait qu'être bénéfique. Dès janvier 1944, Maurice Vaisière notait les chansons que Léon Maes avait apprises et retenues au cours de ses enquêtes.
Et à la Libération, ce fut
la belle aventure de la « Petite Académie Wallonne » dans le journal "La
Frontière", ce fut la composition d'une revue anti-allemande et
anti-flamingante, ce fut... le rappel au foyer par la fin d'un intérim qui nous
vaut une contribution nouvelle et de premier ordre au folklore de chez nous. »
Maurice
Vaisière a collaboré à diverses revues dont le « Bourdon d'Châlèrwè », la
« Revue wallonne », « Pro Wallonia » dans lesquelles il a fait le point
sur ses travaux.
Il a également
écrit des articles plus journalistiques dans d'autres revues et dans des
journaux locaux, dans le but de promouvoir ses travaux personnels ainsi que
ceux de l'A.L.W.C.
Lors de
sa vice-présidence de l’Association, il était chargé de recueillir et de
présenter les textes tant littéraires que scientifiques paraissant dans Pro
Wallonia.
A
Mouscron, il écrivait chaque semaine dans la revue «La Frontière", dirigée
littérairement par l'écrivain Léon Maës, un article traitant du folklore
musical ou, moins souvent, de la question wallonne. Avec d’autres
personnalités, il demanda et obtint d'ailleurs le rattachement de la localité
au Hainaut.
Il a
publié, sous forme de cartes postales, des chansons de Jacques Bertrand, à
l'occasion du centenaire de ce dernier. Chaque carte comporte 2 chansons dont
une avec harmonisation personnelle. Les chansons en patois sont présentées avec
leur traduction française, les chansons-danses avec leur chorégraphie (cela
dans l'espoir qu'un groupe folklorique les crée, ce qui arrive d'ailleurs
rarement, les chorégraphes n'ayant pas, selon Vaisière, les notions musicales
indispensables pour créer).
Ecrivains
qui l'ont influencé :
Georges
Fay : écrivain gillicien qui lui conseilla d'adhérer à l'A.L.W.C. et qui
devient plus tard pour lui un ami.
Jules
Vandereuse, ancien président de l'A.L.W.C., comme lui amateur de folklore.
Max-André
Frère auteur littéraire qui souhaitait un wallon commun (bien que Vaisière
soit
opposé à cette idée).
Edouard
Lambinasse : auteur de textes, de chansons.
Arthur Balle : auteur d'un lexique de Cerfontaine.et surtout :
Willy Bal : professeur à l'Université de Louvain., auteur d'articles sur la
philologie wallonne.
Arille Carlier, ami qu'il aida dans l'élaboration de son dictionnaire.
Est d'ailleurs en possession de la documentation de Carlier sur le folklore
musical.
Personnalités
rencontrées qui l'ont marqué :
Le
lieutenant-général Vermaelen, écrivain en patois du Centre, l'illustrateur
Roland Delattre de Marchienne, René Godeau et Joël Bachy, animateurs de
cabarets pendant la guerre, l'écrivain et cabaretier Raymond Bertrand de
Châtelet, l'auteur gillicien Louis Lecomte et l'écrivain Jules Sottiaux,
professeur aux Jésuites de Charleroi.
Enseignant
à l'A.R. de Gilly et dans le cadre de l’école, Maurice Vaisière a co-écrit des scénarios de téléfilms pour la
R.T.B.F. Ils traitaient du tirage au sort, de la garde-civique, des chansons de
1940 et des grèves de 1886. Une copie de ce dernier titre a été montrée lors de
l’exposition « Les grèves de 1886, prélude à cent ans de Progrès
social » réalisée à la bibliothèque Langlois de Charleroi en 1986 par
l'Institut européen interuniversitaire de l’Action sociale.
Ses passions étaient la littérature et la musique, sa grande maison de campagne et la peinture. D'autre part, il appréciait les musées, les émissions télévisées scientifiques de qualité, le jardinage et le sport. Principalement le football sans toutefois le pratiquer.
Maurice Vaisière a écrit trois romans :
"Ces hommes aux chapeaux verts" aux Editions Famille et Jeunesse et "Célestin Député" chez "Maison d'édition" à Couillet. Ces deux publications ont été illustrées par l'artiste Jean Braun. Ces deux ouvrages sont écrits dans la veine des livres d'Arthur Masson.
Quant au troisième roman "Journal de Classe", il a été édité chez "La nef de Paris éditions en 1958.
A l'époque de la parution de "Journal de classe", Maurice Vaisière met en musique des poésies d'auteurs français en collaboration avec Georges Legrand pour l'harmonisation. Une plaquette intitulée "Mes favoris" est publiée pour l'occasion.
Vers la
fin de sa vie, il se retira à Mettet où, il possédait une maison de campagne.
Sources
bio-bibliographiques
Entretiens avec Maurice Vaisière 1984-1985
Barry,
Félicien
270...
op. cit., p. 86.
Coppe,
Paul et Pirsoul, Léon
Dictionnaire-op.
cit., p. 384.
Lempereur,
Emile
Calendrier...
op. cit. , 3 , p. 24.
Littérature...
La
littérature en Hainaut... op. cit-, p.31.
Maurice...
Maurice
Vaisière n’est plus,
« El
Bourdon »,
n° 423,
02/1990, p. 30
Wangermée,
Robert
Dictionnaire
de la chanson en Wallonie et à Bruxelles
. –
Liège : Pierre Mardaga, 1995
Bibliographie
Monographies
:
AI
censé : skètch wallon
.-Gilly : [s.n.], 1944
.-[5]
feuillets ; 27 cm
. -
Copie dactylographiée
Célestin
député / Maurice Vaisière couverture de Jean Brauns
. -
Couillet : Maison d'édition, [195-?]
.- 198
p. : ill.
Ces
boums aux chapeaux verts / Maurice Vaisière ; illustrations de
Jean Brauns
. -
Bruxelles : Famille et jeune, [195-?]
. - 179
p. : ill. ; 21 cm
Chansons
populaires de la Flandre wallonne/ recueillies en majorité par
Léon
Maës et Maurice Vasière ; publiées et commentées par Roger Pinon
. -
Bruxelles : Ministère de l'Education nationale et de la Culture :
Commission royale de Folklore, 1965
. - 2
fascicules (344 p.) ; 24 cm
DélIvrance
: sketch radiophonique
. -
Gilly : Maurice Vaisière, 1944
. - 42
feuillets ; 27 cm
. -
Copie dactylographiée
Les
hommes d'avenir : comédie en 4 actes
. -
Gilly Club-édition Maurice Vaisière, 1965
. - 24
p. ; 28 cm
Journal
de classe : roman
. -
Paris La nef de Paris éditions
. - 237
p. 18 cm
Ecrits
périodiques
El
Bourdon...
Quand l'amour ès'prèsse : [poésie],
30e
année, n° 309, Novembre 1978, p. 15.
Leune à
mièl : [poésie],
31e
année, n° 314, Mars 1979, p. 16.
Au
mèsse-bourdon qui m'imprime dispûs l'an quarante... :
air "C’est
magnifique",
31e
année, n° 320, Novembre 1979, p. 7,
In
wallon come in'd-a poupont : [poésie],
32e
année, n° 326, Mai 1980, p. 9-10.
Salade
à kierton : [poésie],
32e
année, n° 330, Novembre 1980, p. 8.
Au
planton du capistan,
33e
année, n° 334, Mars 1981, p. 7.
La
petite industrie performante de notre folklore musical,
33e
année, n° 336, Mai 1981, p. 22-23.
El
Varsavia, varsavienne / paroles de Jacques Bertrand ;
paroles françaises
et arrangement
de Maurice Vaisière,
37e
année, n° 378, Juin 1985, p. 25-27.
La
bière de saison / paroles de Jacques Bertrand ;
musique de Maurice Vaisière,
37e
année, n° 380, Septembre 1985, p. 25-27.
Luc Heuchon et Alain Richir
Bonjour ,
RépondreSupprimerJe recherche les émissions que M Vaisière avait réalisées pour la RTB vers 1973, je pense que l'intitulé était "Pasquayes et vieilles chansons". Merci.
mimimay7@hotmail.com